Aujourd’hui je souhaite m’attaquer à un problème auquel nous sommes confrontés depuis quelques années, et qui s’est révélé d’autant plus important avec le confinement de ce début d’année. Mon intention est de montrer que, certes, la quantité de contenus et d’informations disponibles augmente, mais que notre consommation de vidéos, d’articles et livres croît au moins aussi vite que leur production.
Trop d’informations
En termes marketing, le fait de publier du contenu pour faire connaître votre entreprise ou vos produits porte un nom : le content marketing. C’est sans aucun doute la stratégie marketing la plus populaire du moment, si l’on exclue poster des photos larmoyantes sur les réseaux sociaux pour féliciter les soignants.
L’idée qu’il y a trop d’informations, trop de livres, trop de séries ou plus généralement trop de choix date d’il y a quelques années.
Sur Google Ngram Viewer, on prouve aisément que l’utilisation de la phrase « too much content » ou « trop de contenus » a explosé ces dernières dizaines d’années.
Rien d’étonnant à cela, internet facilite la transmission d’informations et la publication. Vous pouvez plus facilement apprendre, créer et publier des contenus sur le net.
Deux forces participent à cet accroissement : la démocratisation d’internet et l’évolution des stratégies marketing.
Le taux de pénétration d’internet est, à la date du 30 Juin 2020 de 62,0%. (source : https://www.internetworldstats.com/) En constante évolution depuis 10 ans, le nombre d’internautes est directement lié à la production de contenus.
De manière logique, plus il y a d’internautes, plus la main d’œuvre capable de s’attaquer à la création de contenus est importante. Ces statistiques sont également observables sur des plateformes spécifiques, telles que YouTube. Ce graphique représente les heures de contenu vidéo uploadées chaque minute sur le site.
Où nous observons une augmentation très importante de la quantité de contenus produits.
L’évolution des stratégies marketing est l’autre force en jeu ici. Pour vous convaincre d’acheter un produit que vous ne connaissez pas, surtout sur internet ou vous n’avez pas la possibilité de l’essayer ou de le toucher, la majorité des entreprises ont recours, à juste titre, à une stratégie de contenus, ou content marketing.
Ce qui n’était qu’une stratégie annexe, réservée aux innovateurs il y a quelques années est devenu essentiel pour survivre sur un marché aujourd’hui.
Prenons un exemple concret. Pour un vendeur de guitares sur internet, voici les problèmes que cette méthode résout :
- Le manque de connaissances de vos clients potentiels. Vos clients potentiels sont répartis en deux grandes catégories : ceux qui ont déjà au moins une guitare et qui en achètent une nouvelle, et ceux qui n’en n’ont pas encore. Ces deux types de personnes ont besoin d’informations différentes sur votre boutique. Les premiers ont besoin d’information concrètes et techniques sur vos guitares. Les seconds vont avoir besoin de renseignements sur la meilleure façon de prendre soin d’un instrument de musique, sur les bonnes méthodes d’entraînement ou encore sur les bases. Il y a donc deux types d’acheteurs : les confirmés, qui ont besoin d’informations techniques, et les débutants, qui ont besoin d’informations générales. Publier du contenu pour couvrir confortablement ces deux points permet de faciliter l’expérience client.
- Le manque de confiance. Une entreprise ayant la capacité de publier fréquemment des articles de qualité sur les guitares indique qu’elle possède les ressources pour soutenir cette stratégie. C’est donc un signal de qualité et de bon fonctionnement. Cette idée est explorée plus en détail dans le livre Alchemy de Rory Suthland.
- Le manque de trafic. Les algorithmes de recherche, tels que Google ou Bing favorisent, entre autres choses, le nombre de contenus publiés, ainsi que leur longueur. C’est pour cela qu’avant chaque recette de cuisine sur internet, les auteurs se sentent obligés de raconter leur vie. La nécessité de produire des contenus d’une certaine longueur va à l’encontre de la qualité de l’expérience client.
Publier du contenu est donc une stratégie intéressante pour l’immense majorité des entreprises. Rien d’étonnant donc, à ce que nous ayons l’impression d’être envahis.
L’augmentation de la consommation
Je me suis rapidement rendu compte que je ne parviendrai pas à démontrer que notre consommation de contenus augmente aussi vite que leur production. La raison est simple : mon intuition était fausse. Un simple calcul permet de s’en rendre compte.
La quantité de vidéos uploadées sur YouTube a été multipliée par 5 entre 2013 et 2019, alors que le nombre d’internautes n’a augmenté que de 66%.
Pour que j’ai raison, il aurait fallu que chaque utilisateur de YouTube multiplie regarde 3 fois plus de vidéos en 2019 qu’en 2013.
Il y a définitivement trop de contenus pour que tout soit consommé.
Les moteurs de recherche sont la principale machine qui nous permet d’accéder à cette énorme quantité de contenu sur internet. Sans Google, Bing et les autres, nous n’aurions aucun moyen de trouver précisément ce que nous cherchons sur Internet. Il y a trop de sites, avec trop de contenus.
Mais dans le même temps, nous commençons à voir les limites de ce système. Les résultats de Google sont de moins en moins pertinents, et Google a récemment implémenté un système de surlignage des résultats sur les sites web indexés.
Et ce, afin d’éviter d’avoir à lire des contenus web de plus en plus longs pour trouver une information spécifique.
Puisque les algorithmes de recherche récompensent davantage les contenus web les plus longs, les rédacteurs rédigent plus, et les lecteurs ont plus de travail avant de trouver ce qu’ils cherchent.
C’est un problème croissant auquel Google tente d’apporter quelques solutions, avec plus ou moins de succès.
Jusqu’à il y a quelques années, les moteurs de recherche ordonnaient tout internet en fonction d’un seul critère : quel est le meilleur résultat pour une recherche donnée. Tous les utilisateurs qui cherchent « porte en bois laqué » allaient se voir proposer les mêmes résultats.
A présent, Google commence à intégrer un second facteur dans les résultats de recherche : l’utilisateur qui fait la requête. Ceci signifie que les résultats que vous allez trouver vont être customisés en fonction de ce que Google pense que vous souhaitez trouver. C’est déjà le cas si vous cherchez un terme générique, tel que « paysagiste ».
Les résultats et les prédictions de recherche vont naturellement inclure la localisation.
Mon intuition est que les recherches et les contenus proposés vont inclure de plus en plus de recommandations personnalisés, et de moins en moins des résultats classés de manière objective.
Facebook est typiquement l’entreprise qui a amorcé ce changement très tôt. Les fils d’actualité sont très personnalisés, au point où les utilisateurs ont l’impression d’être manipulés.
Les technologies de Facebook, et maintenant celle d’Instagram et de TikTok fonctionnent merveilleusement bien quand il s’agit de garder les utilisateurs sur le site. Cependant il y a ressentiment qui naît quand nous n’avons pas la main sur le contenu que nous consommons. D’autres réseaux sociaux, comme Reddit ou YouTube vous montrent en grande majorité des vidéos ou des posts par des créateurs qui vous intéressent. Et dans les deux cas, vous avez toujours accès aux meilleurs contenus du pays ou de la région dans laquelle vous vous trouvez.
Ce changement entre ordonner grossièrement internet et sélectionner avec attention les contenus les plus pertinents pour une personne donnée est en cours.
Les grandes innovations des 10 prochaines années seront les algorithmes de recommandations.