En tant que consultants en e-commerce, nous voyons souvent de tout. Des boutiques splendides, un CSS purement merveilleux mais qui ne convertissent pas aux sites d’e-commerce sortis tout droit du 19ème siècle.
Récemment, nous avons pu conduire différentes analyses auprès d’une entreprise qui éprouvait des difficultés à convertir ses visiteurs. Les leçons tirées de cette étude pourraient aider beaucoup de marketeurs et responsables de boutiques en ligne. Plutôt que de limiter sa portée à nos mémos et notre chaîne Slack, les voici.
La question à laquelle nous nous confrontons aujourd’hui est la suivante : comment diagnostiquer et réparer un mauvais taux de conversion ?
L’erreur commise la plus souvent par les entreprise est de se concentrer sur l’optimisation de la page et du site. Dans le cadre du taux de conversion, comme nous allons le voir, la cause peut même provenir de l’extérieur de la boutique en ligne.
Le taux de conversion : explication
Le taux de conversion est l’indicateur suprême de la santé d’une boutique en ligne. Exprimé en %, il s’agit de la proportion de sessions de votre site qui se soldent en achat. Une session est une visite sur votre site, qu’il s’agisse d’un client répété ou de sa première fois, cela compte indifféremment pour une session. Une conversion est un événement que vous cherchez à enregistrer. Pour la majorité des boutiques en ligne, il s’agit des achats, mais sachez que l’on peut également cherchez à mesurer le nombre de personnes qui laissent leur mail, ou leur numéro de téléphone.
Si votre site enregistre 200 visites par jour et reçoit 20 commandes, votre taux de conversion est de 10%. C’est un taux élevé, mais dans la moyenne de ce qui peut être observé dans plusieurs industries.
Avant de savoir si votre taux de conversion est bon ou mauvais, il faut considérer la moyenne du secteur dans lequel votre entreprise évolue. Une simple recherche Google vous donnera la réponse à cette question. Voici également un graphique des taux de conversion moyens par industrie.
Enormément de facteurs influencent le taux de conversion. Dans le cas du marché du fitness et du sport, les bons résultats sont principalement dû à l’engagement des sportifs. Le sport est un mode de vie et permet à beaucoup de définir leur identité. L’acquisition de vêtements et matériel de sport a donc beaucoup plus de sens qu’un simple achat de services financiers ou d’un téléphone.
L’entreprise au cœur de cette étude opérait dans le secteur du de la vente de logiciels pour le marketing d’entreprise. Nous ne révèlerons pas d’informations permettant de l’identifier. La problématique principale à laquelle ils faisaient face était le faible taux de conversion de leur landing page.
La landing page, c’est l’équivalent actuel d’un argumentaire commercial. Sur cette page, ils mettaient en avant les points forts de leur logiciel, ainsi que quelques captures d’écran. C’est un contenu très classique, totalement aligné avec ce qui se fait par ailleurs sur le marché.
Voici une capture d’écran anonymisée de leur landing page. L’objectif de cette page est d’inciter le visiteur à laisser son mail. En B2B, là où les cycles de ventes sont plus longs, il est utile d’avoir le contact des prospects pour les rappeler ensuite et discuter de leurs besoins directement. L’évènement de conversion visé est donc l’inscription.
Le taux de conversion de cette page est de 3%. 3 visiteurs sur 100 vont délibérément laisser leur mail pour être recontactés ensuite.
Première étape : vérifier les chiffres du marché
Comme indiqué sur l’image 1, le taux de conversion en B2B est plutôt aux alentours de 10%. Avec ces données, il apparaît que le site de l’entreprise fonctionne 3 fois moins bien que la concurrence. C’est un écart énorme. Au vu de la sous performance de leur landing page, l’objectif de l’entreprise était de « réparer » leur site. Ils cherchaient donc des choses à améliorer pour faire remonter le taux de conversion.
On peut dès à présent savoir qu’ils font surement fausse route. Certes, une différence de 300% dans le nombre de conversions entre une entreprise et ses concurrents peut avoir plusieurs causes. Cependant, si c’est la landing page qui est à l’origine de cet écart, il n’y a que trois possibilité.
Soit le produit ne plaît à personne. Ce n’est pas le cas car l’entreprise existe depuis plusieurs années avec des clients très satisfaits.
Soit la page est cassée, et elle n’enregistre pas les informations des visiteurs, ou le champ pour laisser son mail ne marche plus, auquel cas le problème n’est pas directement visible par exemple.
Soit le problème est ailleurs. Dans ce cas, il devrait sauter aux yeux de n’importe quelle personne qui visite la page. Pour que les deux tiers des visiteurs qui auraient dû laisser leurs informations ne le fassent pas, il faut que la raison soit évidente.
Deuxième étape : les symptômes
Le taux de conversion d’une boutique n’est jamais bas par hasard. Il existe une liste contenant un certain nombre d’éléments à vérifier pour s’assurer que les performances sont ce qu’elles doivent être. D’après notre expérience, cette checklist suffit à régler les problèmes de la majorité des boutiques en ligne.
Cette checklist contient également l’ampleur des améliorations du taux de conversion que l’on peut s’attendre à voir après chaque modification.
- Améliorer les textes commerciaux. De 1% à 3% d’augmentation.
Il n’y a pas de terme générique en Français qui permet de faire référence au fait d’écrire des textes commerciaux. En Anglais, on appelle cela le copy writing. Le ou la copy est un argumentaire de vente. Sans surprise, écrire un texte de vente est compliqué et demande une certaine pratique. Il y a certaines parties à inclure et un certain ordre à respecter. Enfin, il ne suffit pas de suivre les consignes mot pour mot, il faut également savoir écrire de manière lisible et compréhensible. Si vous en avez les moyens, demandez l’aide d’un copywriter professionnel.
Il y tout de même quelque chose que vous pouvez faire dès à présent. Copiez les textes d’une de vos page de vente. Rendez vous sur online-utility.org puis collez-les dans le champ prévu à cet effet.
Appuyez sur Process Text et observez.
Le site va vous montrer un ensemble de chiffres et de nombres. Ils ont tous une utilité, mais celui qui vous intéresse plus que tout est le dernier, le Flesh Reading Ease. Il s’agit d’un score entre 0 et 100. Plus le nombre est élevé, plus votre texte est facilement lisible.
Le texte rentré ici est l’introduction du principal ouvrage anglais de
cartomagie. Comme vous pouvez le voir, il a un score de lisibilité de 45, presque
46. Bien, mais bien en deçà ce qui est possible. A titre d’exemple, cet article
à un score de 66 et cette page
de Légifrance un score de seulement 19. Cela vous donne une idée des différents
niveaux de lisibilité et de ce que vous devez viser avec votre boutique.
- Vérifier le fonctionnement des liens. De 0% à 6/7% d’augmentation.
Si les liens de boutique sont cassés, vous le verrez rapidement. Cela arrive de temps en temps avec les boutiques sous Shopify, mais aucun CMS n’est exempt de bugs. Nous avons vu, à plusieurs reprises, les liens d’ajout au panier ne plus fonctionner pendant une journée complète, puis remarcher le lendemain. La plupart du temps cela ne vient pas de l’administration du site. Cependant, si vous effectuez des changements dans vos permaliens, vous vous exposez à ce genre de bug. Les permaliens sont les URLs de votre boutique. Ils suivent tous un schéma précis qui peut être modifié (nous vous déconseillons d’y toucher). S’il est mis à jour, il faut souvent remplacer tous les liens du site.
Pour vérifier les liens cassés sur votre site, rendez vous sur https://www.brokenlinkcheck.com/ et renseignez l’adresse de votre boutique. Vous aurez ainsi la liste des liens à changer.
- Ajouter des images de bonne qualité. De 1% à 3% d’augmentation.
C’est un classique mais il se doit d’être répété. Il est primordial d’ajouter des photos de bonne qualité sur l’ensemble de la boutique. Avec l’amélioration du débit et de la bande passante, les limites de taille des photos de lèvent petit à petit. Idéalement, faîtes tout de même optimiser vos images avant de les uploader.
Il existe un certain nombre de sites gratuits qui mettent à disposition des images libres de droits et de haute qualité. Unsplash est l’un d’entre eux.
- Ajoutez des avis clients. De 1% à 3% d’augmentation
Ajouter des avis clients est la meilleure chose à faire pour augmenter votre taux de conversion. Les visiteurs de votre boutique s’attendent à en voir, et s’il y en a, ils les liront à coup sûr. Il existe plusieurs façons de récupérer les avis de vos clients. Il existe aussi, non pas que ce soit souhaitable, plusieurs façons de générer des avis clients.
Le plus simple, et aussi le plus efficace est simplement d’envoyer un mail à vos clients deux semaines après leur commande. Demandez-leur s’ils sont satisfaits ainsi que s’ils ont des photos à vous envoyer. En échange, offrez-leur un coupon de réduction à utiliser plus tard.
Troisième étape : encore plus de symptômes
Dans le cas de notre entreprise malade, aucun des items de cette liste n’avait été ignoré. Leur landing page contenait des avis clients, des photos de bonne qualité, et tous les liens fonctionnaient. La seule amélioration à apporter aurait été de simplifier l’argumentaire de vente, difficile à comprendre pour les clients peu intéressés.
Mais alors, si la landing page et le reste du site marchent comme prévu, quelle est la raison pour ce si mauvais taux de conversion ?
Il est clair que ça ne provient pas du site. On va donc devoir se pencher sur une analyse off-site, par opposition à ce que nous avons fait jusqu’à présent, qui est totalement on-site.
Vous vous demandez comment on peut mesurer ce genre de choses. En réalité c’est plutôt simple quand on dispose des outils pertinents. Dans notre cas, il faut savoir que le taux de conversion est défini par deux facteurs principaux. Rappelons la formule :
La première partie de notre analyse concernait le nombre de commandes. Il est donc naturel de s’intéresser à présent au nombre de sessions enregistrées sur le site. Nous avons donc commencé par vérifier le trafic internet.
Nous allons essayer de mesurer la qualité du trafic. Dans notre jargon, nous faisons référence a du trafic qualifié ou non qualifié. Tous les visiteurs de votre boutique ne sont pas égaux. Certains d’entre eux ne sont là que par curiosité, alors que d’autres ont la ferme intention d’acheter. De ce point de vue-là, une boutique en ligne fonctionne comme une boutique physique.
Pour mesurer la qualité du trafic, nous séparons le trafic selon les différentes sources.
Voici un graphique de GrowthBadger qui montre l’importance moyenne de chaque source de trafic. Comme indiqué, la majeure partie du trafic provient du réseau de recherche, incluant Google, Bing, DuckDuckGo et les autres moteurs. Le trafic direct est constitué des visiteurs qui se rendent sur votre site après avoir cliqué sur un lien dans leurs favoris ou après avoir directement rentré l’adresse dans la barre de recherche. Social correspond au trafic généré par les partages sur les réseaux sociaux. Referral fait référence aux affiliations, et display aux bannières publicitaires.
Les publicités sont rangées selon le canal auxquelles elles appartiennent. Les publicités Facebook, Instagram et LinkedIn font donc partie de la partie Social. Les publicités AdWords sont comptabilisées avec la recherche.
Pour récupérer les données du site en question, nous utilisons ubersuggest de Neil Patel. La version gratuite est largement suffisante. Vous devriez être capable d’accéder à ces données de trafic depuis votre CMS. Ce qui nous intéresse ici est le trafic organique, c’est-à-dire celui qui provient de Google et autres moteurs de recherche.
Le trafic généré par les publicités est souvent de bonne qualité. Les personnes doivent être suffisamment intéressées par ce que vous avez à proposez pour cliquer dessus. Ce ne sont pas ce genre de visiteurs qui feront chuter votre taux de conversion. Pareil pour les personnes qui sont comptées dans le trafic direct. Ils se rendent suffisamment sur votre site pour être considérés comme du bon ou très bon trafic.
Reste donc le trafic organique.
Le trafic organique, ou généré par la recherche, est la conséquence directe des mots clés pour lesquels le site apparaît dans Google. Plus le site vise de mots clés différents, et plus il les vise bien, plus il aura de trafic.
Le site de l’entreprise que nous surveillons reçoit 32 000 visites mensuelles grâce à sa position sur Google. Au total, il apparaît dans les résultats de recherche de 15 000 mots clés. C’est un bon score.
Si ce trafic est de bonne qualité, le site reçoit énormément de visites qualifiées. Si ce n’est pas le cas, cela signifie que les personnes arrivent sur votre site un peu par hasard. Typiquement, ils ont dû chercher quelque chose sur Google pour lequel votre site apparaît alors que ce n’est pas directement lié à votre activité.
Un autre indice que vous pouvez utilisez pour savoir si vos visiteurs avaient vraiment l’intention de se rendre sur votre boutique est le taux de rebond.
Il s’agit du pourcentage de visiteurs qui quittent votre site après avoir vu seulement une page. Si quelqu’un qui a l’intention d’acheter un produit arrive sur votre site qui vend justement ce type de produit, il va rester un petit peu et regarder d’autres pages. Si arrive sur votre site et constate que le contenu ne l’intéresse pas, il va simplement retourner à sa recherche. Le taux de rebond sera alors plus haut pour le trafic non qualifié.
Vous pouvez accéder à une estimation du taux de rebond en vous rendant sur alexa.com. Le taux de rebond du site en question était de 50%. A peine était-il arrivé sur le site qu’un visiteur sur deux repartait déjà. C’est un score très mauvais, deux fois supérieur à la moyenne du marché.
Notre diagnostic s’affine. La cause du mauvais taux de conversion semble donc être la mauvaise qualité du trafic organique. Cela signifie qu’au 15 000 des 30 000 visiteurs mensuels ne sont pas intéressés par les services de l’entreprise.
Pour être sûr d’avoir trouvé le problème, nous allons regarder pour quels mots clés le site apparaît dans les recherches de Google. Ces données sont disponibles dans la Search Console. Pour y accéder, il vous faudra modifier les enregistrements DNS de votre site. C’est un peu technique, mais très bien expliqué par Google.
Sans avoir accès à la Search Console, vous pouvez également accéder aux mots clés sur Ubersuggest.
Voici les informations qui apparaissent :
Le site enregistre un nombre important de visites provenant de mots clés peu pertinents. C’est un peu comme si vous vendiez des voitures de luxes en ligne et que la majorité du trafic sur votre boutique consiste de personnes qui viennent simplement regarder les photos des voitures. Ce sont des personnes qui cliquent sur vos liens, mais qui n’ont jamais eu l’intention de convertir.
Une autre métaphore : vous êtes le responsable des franchises chez McDonald’s. Vos cibles sont les gens qui souhaitent ouvrir un nouveau magasin McDonald’s, et non pas les gens qui cherchent un endroit ou manger. Votre travail est donc de faire en sorte que les personnes qui souhaitent juste un hamburger ne tombent pas sur votre page. Autrement, vous auriez un nombre important de trafic non pertinent et non qualifié. Parallèlement à cela, un nombre importants de visiteurs de votre site seraient frustrés de ne pas trouver l’adresse du McDo le plus proche.
C’est ce qu’il se passe ici. Cette armée de visiteurs non pertinents fait chuter le taux de conversion.
La solution
Comment régler ce problème ?
Dans cette situation, il n’y a pas d’autre solution que de réduire le trafic non pertinent. Certes, cela va diminuer le nombre de visiteurs qui se rendent sur la boutique. Puisqu’il s’agissait de trafic non qualifié, ce n’est pas grave. Le taux de conversion va ensuite remonter au niveau de la concurrence.
Il faut consulter les pages qui apparaissent pour les mots clés concernés sur Google, puis les désoptimiser. Cela signifie retirer les mentions du mot clé en question de la page. Une approche plus radicale serait d’indiquer à Google de ne plus indexer ces pages. Cette option ressemble vaguement à utiliser un tank pour tuer une mouche, et n’est que rarement conseillée.
La solution vous paraît simple ? C’est parce qu’elle l’était. L’exécution est rarement difficile, en revanche, savoir quoi faire demande une certaine expérience et expertise.
Les résultats
Le taux de conversion va donc remonter au niveau attendu, entre les 8% et 10%. Cependant, le nombre de conversions n’a quant à lui pas augmenté ! Nous avons simplement réduit le trafic non qualifié, nous n’avons pas augmenté le trafic qualifié pour autant. Il y a même des chances pour que les conversions aient diminué, car une partie infime partie des visiteurs qui arrivaient sur ces pages étaient peut-être très qualifiés.
Pour augmenter le nombre de conversion, et le taux de conversion par la même occasion, le plus simple serait d’optimiser les pages qui apparaissent sur Google pour des mots clés intéressants.
Le problème principal de cette entreprise était en réalité double. Premièrement, ils ne faisaient attention qu’à un seul indicateur, en l’occurrence le taux de conversion. Certes, un faible taux de conversion indique un problème, mais un indicateur n’est jamais faible sans que les autres indicateurs ne montrent également quelque chose. Dans la situation présente, le mauvais taux de conversion n’est qu’un symptôme parmi d’autres.
L’autre erreur a été de vouloir augmenter le taux de conversion sans considérer l’environnement du site. De la même manière que soigner les symptômes ne soigne pas la maladie, s’attaquer uniquement au taux de conversion ne peut pas résoudre tous les problèmes !